Faire cours - Philosophie - Espace pédagogique académique

Faire cours

, par Franck Lelièvre - I.A. I.P.R., Frédéric Blondeau - Format PDF Enregistrer au format PDF

 Les rituels : rites et rythmes

C’est un aspect peu évoqué de l’enseignement de la philosophie en terminale, alors qu’il est sans doute une des causes premières de la souffrance d’un enseignant : la difficulté de tenir sa classe alors même que le cours a été soigneusement préparé.
Ne pas tenir sa classe signifie ne pas être capable d’imposer un rythme, ni la façon dont va se dérouler l’heure de cours.

Nécessité de la souplesse et de l’ajustement : « la parole est à moitié à celui qui parle et à celui qui écoute » : une classe ne fait pas l’autre, une année non plus. Une même classe ne réagit pas de la même manière selon l’heure dans la journée, le moment de la semaine. La classe a une vie propre. Enfin savoir analyser ce qui échoue est une vertu presque plus importante que retenir ce qui marche. Il faut donc toujours dédramatiser et trouver à mesure ce qui fonctionne par des ajustements, des variations.

 Notion de rythme

Le rythme est un besoin humain fondamental, que Simone Weil oppose à la cadence, la répétition machinale qui contraint le corps et l’esprit, et brise ainsi le mouvement de la vie [1]. Celui-ci est fait d’alternances entre effort et repos, tension et détente. En classe, la structuration du temps par le professeur consiste à ne pas se fier à son propre sentiment de la durée, qui conduit à poursuivre tant que l’on n’a pas l’impression d’avoir été au bout de que l’on a fait.

Il est illusoire d’espérer une attention sans faille durant une heure de cours magistral. Diviser l’heure en moments différenciés, selon une variété réglée, a un effet structurant pour les élèves, effet redoublé s’il est fixé par des rites. 

 Notion de rite

Là se situe la différence essentielle entre « faire cours » et faire classe ». Faire classe, c’est instaurer une organisation pour la classe envisagée comme communauté ; or dans toute communauté, il y a des rites.
Les rites sont toujours présents à l’école primaire, avec des constances au travers des changements de paradigmes pédagogiques : la date, la météo, nourrir les escargots ou les poissons, arroser les plantations. Ces fonctions valorisantes sont endossées par les élèves à tour de rôle. Certaines pédagogies poussent très loin la participation active des élèves dans leurs apprentissages. Par exemple la pédagogie Freinet, qui propose un cadre ritualisé, avec des fichiers autocorrectifs et un plan de travail individuel. Chaque élève sait ce qu’il a à faire, est familier avec les consignes qui reviennent, et ainsi se situe lui-même dans sa progression.

Transposition au cours de philosophie : poser un cadre qui fait du cours de philosophie un espace-temps particulier, aux règles et aux pratiques clairement définies.

Fonction sociale : cette organisation délimite la place et le rôle de chacun, y compris le professeur. Le déroulement fixé tend à devenir impersonnel. Il est donc mieux accepté, sécurisant et valorisant.

Fonction émancipatrice : la discipline des corps limite l’énergie consacrée au disciplinaire et va dans le sens de l’autonomie. En outre, c’est l’activité qui donne du plaisir. Sa structuration donne prise sur le temps, ce qui est le meilleur remède à l’ennui, ennemi de l’attention.

Rédaction : F. Bruzan, A. Chanteur, J. Castel.

 Exemples de structuration du temps

 Début de cours

Pour un début de cours qui soit comme la scène d’exposition au théâtre : le début installe la séance, il requiert l’attention. Même réflexion avec la fin du cours : qu’il faut savoir anticiper et marquer comme un moment spécifique.

  • « Sas de décompression » : moment de relaxation guidée, temps de silence, concentration sur le corps, la respiration, attention sensible à soi.
  • « Quoi de neuf ? » : présentation d’une lecture par un élève, d’une actualité culturelle (un film, une exposition, une visite).
  • Mise en activité autonome : une question ou une citation est écrite au tableau avant l’entrée des élèves dans la classe, en rapport avec le cours à suivre (ex. « quelle différence entre dresser et éduquer », « On n’arrête pas le progrès », « La beauté est dans l’œil de celui qui regarde », « Des goûts et des couleurs, on ne discute pas », « On ne naît pas femme, on le devient »). Les élèves y répondent par écrit pendant que le professeur fait l’appel. Ensuite, il circule dans la classe, relève les différents éléments de réponse, puis en fait la synthèse qui peut être notée dans le cahier.
  • Plus classique : un rappel oral et collectif du cours précédent.

 Le cœur de la séance

Le cœur de la séance : différentes modalités de travaux de groupes à partir d’un dossier (les exemples proposés ici par J. Castel sont conçus pour un cours de deux heures consécutives).

  • Dossier photocopié composé d’une partie de cours (définitions, distinctions etc.), d’exercices et d’un travail final à rendre. À réaliser dans l’ordre que les élèves souhaitent mais à rendre à la fin des deux heures.
  • Ou bien : un dossier composé de plusieurs textes avec des questions. Premier temps : chaque groupe prend en charge un texte par tirage au sort. Second temps : classe disposée en cercle ; chaque groupe se met au milieu et explique le texte au reste de la classe : oral noté.
  • Ou bien : un dossier divisé en plusieurs parties : chaque groupe est responsable d’une partie.
  • Ou encore : réalisation d’une dissertation ou d’une explication de textes par groupes.

 Exemples de structuration de l’espace

 Dispositions diverses selon les objectifs

  • En autobus : utile pour les projections au tableau ou le vidéoprojecteur.
  • En ilots : utile pour le travail par groupe, favorise la coopération et l’autonomie.
  • En cercle : présentation du travail réalisé par groupes.
  • Libre : les élèves disposent les tables comme ils le souhaitent pour réaliser la tâche prescrite : certains préfèrent travailler en groupe (4 max.), d’autres préfèrent travailler seuls et selon la disposition qui leur convient : vers le mur, la fenêtre, le milieu de la salle.

 Variations de lieux

Savoir utiliser les différents espaces de l’établissement et ne pas se restreindre à la salle de classe.

  • Salle vidéo du CDI pour la projection de films ou de documentaires.
  • Salles informatiques pour un travail de recherche ou l’ambiance avec des tablettes ou des portables.
  • Solliciter l’aide des professeurs-documentalistes : par exemple après l’étude d’un documentaire : travail en groupe avec recherches ou exercices à effectuer.
  • Espaces en dehors du lycée, dans le cadre de sorties qui peuvent être régulières dans le cadre d’un dispositif comme « Lycéens au cinéma ».

Voici un exemple de salle de classe de philosophie, à faire défiler :

Pour approfondir la réflexion sur les espaces scolaires :

Canopé - Espaces scolaires

Suite.

Notes

[1« La succession des gestes [des ouvriers] n’est pas désignée, dans le langage de l’usine, par le mot de rythme, mais par celui de cadence, et c’est juste, car cette succession est le contraire du rythme. Toutes les suites de mouvements qui participent au beau et s’accomplissent sans dégrader enferment des instants d’arrêts, brefs comme l’éclair, qui constituent le secret du rythme et donnent au spectateur, à travers même l’extrême rapidité, l’impression de la lenteur. Le coureur à pied, au moment où il dépasse un record mondial, semble glisser lentement, tandis qu’on voit les coureurs médiocres se hâter loin derrière lui ; plus un paysan fauche vite et bien, plus ceux qui le regardent sentent que, comme on dit si justement, il prend tout son temps. Au contraire, le spectacle de manœuvres sur machines est presque toujours celui d’une précipitation misérable d’où toute grâce et toute dignité sont absentes. » Simone Weil, La Condition ouvrière, Paris, Gallimard, 2002, p. 337.

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