Faire vivre une démarche en classe de philosophie : à propos de la justice - Philosophie - Espace pédagogique académique

Faire vivre une démarche en classe de philosophie : à propos de la justice

, par Franck Lelièvre - I.A. I.P.R., Frédéric Blondeau - Format PDF Enregistrer au format PDF

 Objectifs philosophique de la séquence « Justice et vengeance »

Présentation de la démarche en audio par Jean-Charles Royer :

 Réfléchir le concept d’égalité

L’objectif philosophique de la séquence consistera à réfléchir les rapports entre l’idée de « Justice » et celle d’« égalité », non pas de façon immédiatement spéculative, ou mathématique, mais en étudiant d’abord les ambiguïtés et les paralogismes possibles de l’idée d’égalité pour la seule institution judiciaire. Seront donc particulièrement visés ici les idées de jugement et de peine relative aux infractions, dans le cadre des procédures du droit positif. On n’y trouvera donc que de manière détournée les questions classiques relatives au fondement de la loi, à l’équité, ou aux difficultés de la notion de mérite ou de justice sociale. L’« égalité » que nous voulons problématiser ici découle d’un parti-pris : celui de partir du phénomène de la vengeance, thème populaire s’il en est.

 Trouver une entrée engageante : partir de la vengeance

Le choix de partir de la vengeance vient du fait qu’il nous faut trouver des entrées sensibles, imaginables, pour monter aux notions spéculatives ; des entrées engageantes. Ceci vaut pour toutes les classes sans doute, mais surtout pour les technologiques ; la difficulté ici étant de trouver les cas qui ne suscitent ni trop ni trop peu les affections, considérées comme motrices de la conceptualisation. Seront donc mis à l’étude les catégories générales de de l’infraction (contraventions, délits et crimes), le travail juridique de la qualification, la justification des peines, mais tout aussi bien, analogiquement, les questions relatives au règlement intérieur de l’établissement, aux punitions et aux sanctions, et aux commissions de discipline, etc.

 Élaborer le problème philosophique autour du couple : vengeance/talion

a) La loi du talion : la séquence ne saurait s’arrêter à seule vengeance comme phénomène anthropologique ; l’intérêt qu’il y a à ouvrir la séquence par ce thème vient de ses rapports avec le droit, dès lors que s’y pose la question de la réciprocité du mal . « Œil pour œil, dent pour dent » ; la formule du talion définit-elle bien la vengeance ou bien déjà son dépassement ? La question sera alors de savoir si l’institution du droit abolit la vengeance en instaurant un autre ordre, ou si elle ne fait que la transfigurer tout en en conservant l’essentiel.

b) C’est pourquoi il nous a semblé que l’étude de la « loi du talion » était la trouvaille pédagogique idéale ; à la fois pour arrimer notre étude dans l’histoire, et parce que le talion contient en lui-même toutes les tensions et contradictions du problème que pose l’institution judiciaire relativement à la question de l’égalité. En effet, plusieurs questions en découlent : le talion tire-t-il du côté de la vengeance comme sanction d’un même mal ? Tire-t-il au contraire du côté du droit comme recherche d’un équivalent de l’infraction à la loi ? Ou n’est-il qu’un archaïsme aveugle à la seule et légitime prudence politique ? 

Poser le talion au cœur de la problématisation permet ainsi de tisser l’historique avec le philosophique ; On trouve en effet une mention de cette « loi » d’abord dans l’Exode, mais surtout de façon achevée dans le Lévitique. Une description du contexte est alors opportune ; on pourra soulever en passant certaines questions relatives à la réduction sociale et politique du phénomène religieux. Il ne s’agira toutefois pas de présenter le talion comme à l’évidence « dépassé », comme en témoignent le maintien de l’esprit du talion (du latin talis : tel) chez Kant par exemple, et chez les partisans de la peine de mort, mais aussi chez Levinas, moyennant une interprétation talmudique assez paradoxale du talion en question.

Mais la question se pose bel et bien de savoir, d’une part si la notion de libre arbitre ou de mérite qui sous-tend la justification de cette loi est philosophiquement robuste, et d’autre part si l’institution judiciaire doit penser la peine sous un tel principe d’égalité ou bien si elle doit avoir pour seul visée la garantie d’un retour à la paix civile (Hobbes / Beccaria / Freud).

 Les enjeux du questionnement philosophique : comment punir ?

Il s’agira pour clore la séquence de penser la peine, c’est-à-dire d’en réfléchir les présupposés philosophiques, afin de s’engager – fût-ce dans la polémique- dans la défense d’une éventuelle réforme de la « politique pénale ». Une enquête pourra être menée sur la diversité des pratiques pénales dans le monde, arrimée à une réflexion sur les finalités de la peine.

 Conclusion

Ceci est un parcours long (10h) d’une notion du programme. Le territoire du droit positif a été parcouru de la vengeance au tribunal, du tribunal à la peine. Rares sont les sujets du bac tombant sur cet angle, mais très nombreux sont les élèves qui ont « eu affaire » à la justice, ou qui s’y intéressent, et à qui cette séquence à plu. Je peux témoigner que ce parcours m’a en effet permis de maintenir l’attention des classes sur le long cours, de les faire lire et écrire, d’apprendre à utiliser un lexique conceptuel précis, de faire prendre conscience des présupposés philosophiques des positions en présence.

Rédaction : Jean-Charles Royer.

Suite et fin.

Répondre à cet article

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom