Traiter le programme : organiser l'étude de la religion et de la justice. - Philosophie - Espace pédagogique académique

Traiter le programme : organiser l’étude de la religion et de la justice.

, par Franck Lelièvre - I.A. I.P.R., Frédéric Blondeau - Format PDF Enregistrer au format PDF

- LA RELIGION

 Notion sensible mais cruciale

La religion est une notion stratégique dans l’économie de la discipline et l’insertion dans notre temps. Son étude en classe est liée à une double difficulté :

  • Déficit de culture religieuse des élèves : effacement de repères, opacité des référents, parfois et même surtout chez les « convertis ». Obstacle à l’étude de certains thèmes et des auteurs antiques et classiques.

D’où l’obligation et l’intérêt d’investir ce champ pour que les élèves sachent de quoi il s’agit.

  • Forclusion fréquente d’une dimension fondamentale de l’expérience individuelle et collective et retour d’un horizon dont nous serions « sortis » : contexte de menace et de violence, devoir de neutralité de l’enseignant. Caractère sensible du sujet et danger du refus de penser. Force des stratégies d’évitement ou, à l’inverse, d’affrontement. Réalité de forts clivages.

D’où un enjeu qui est à la fois scolaire et politique : pouvoir conduire et proposer en classe, en toute liberté, un enseignement informé et formateur, instruire les élèves, élargir leur horizon, s’engager pour eux et avec eux dans l’étude d’un objet complexe.

 Une obligation de traitement

La religion est inscrite, ne fût-ce que par contraste, dans le référentiel de compétences communes aux métiers du professorat et de l’éducation : « faire partager les valeurs de la république », « aider les élèves à développer leur esprit critique, à distinguer les savoirs des opinions ou des croyances, à savoir argumenter et à respecter la pensée des autres. ». Ceci implique un travail de distinction entre foi et savoir, religion et science, confession et recherche mais également entre philosophie et théologie.

Également : « Savoir transmettre et faire partager les principes de la vie démocratique ainsi que les valeurs de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité ; la laïcité ; le refus de toutes les discriminations. ». D’où un second axe impératif de travail autour de la séparation moderne de l’État et de la religion et des concepts (citoyenneté et égalité de droit, liberté de conscience, liberté d’expression, État et société) mais également de ce qui la précède et dont elle se distingue.

 Quelques axes possibles et objets de travail avec les élèves

  • Axe anthropologique : la violence et le sacré, les rites et les interdits.
    Aux racines du lien social : étude d’un interdit : par exemple, interdit du meurtre, de l’inceste, règles de l’alliance, interdits alimentaires. Distinction du sacré et du profane. Ou encore règles liées à la sépulture. Montrer leur universalité et leur fonction à partir de l’étude d’un exemple. Possibilité de leur mise en question sur l’exemple de la division sociale des sexes : l’emprise sur le corps des femmes.
  • Axe herméneutique : le mythe, la science et la philosophie.
    Un régime de discours : étude d’un texte ou d’un symbole : Adam et Ève, Sacrifice d’Abraham, Moïse et Aaron, Crucifixion, Nuit du Miraj ou encore : Er le Pamphylien, Œdipe Roi, Épiméthée et Prométhée etc. Il faut prendre garde au fait qu’une religion est toujours aussi un ensemble de textes : récits, histoires, psaumes, prières, sermons, prédications qui sont des "ressources de sens" et ouvrent à une pluralité de versions et d’interprétations. Déjouer le littéralisme et le positivisme. Travail également possible sur les rituels qui sont inséparables des croyances et qui continuent de régir la vie de certaines communautés.
  • Axe eschatologique : histoire et salut, idéologie et utopie.
    Un vecteur de mémoire et de conflit de mémoires : étude de la fonction de la religion dans son rapport à la structuration du temps : rapport à une mémoire et à une attente : comment elle organise une communauté et comment la gestion de sa mémoire est un enjeu politique. L’exemple du « progrès » comme « religion séculière ». Une mémoire gagée sur l’absolu et orientée aussi vers l’attente du salut. Fonction remplie dans la communauté par des experts ou des virtuoses du sacré : le magicien, le prêtre ou le prophète.

- LA JUSTICE.

 A l’intersection de la morale et de la politique.

La notion de justice est cruciale pour ces séries car elle permet une entrée dans les questions politiques. Fondatrice de l’ordre social, la justice est « la vertu des vertus » : elle est, en effet, d’abord une institution. Elle est inscrite au cœur de la devise républicaine : « liberté, égalité, fraternité ».
Mais la justice offre également une entrée privilégiée dans la métaphysique et la morale à travers la question de l’imputation et de la responsabilité mais aussi celle de la violence, violence commise et violence subie, violence fondatrice et violence surmontée.

Dans l’architectonique des programmes, l’étude de la notion de justice peut se déployer selon trois axes :
1. La justice et la raison : l’étude de l’instauration de la norme, de son application, l’administration de la justice.
2. La justice et L’État  : l’instauration d’un ordre qui attribue à « chacun ce qui lui revient ». Cet axe permet de réfléchir à « la structure de base de la société ou, plus exactement, la façon dont les institutions sociales les plus importantes répartissent les droits et devoirs fondamentaux et déterminent la répartition des avantages tirés de la coopération sociale ». Rawls, TJ, I, 2.
3. La justice et la religion : la question des fondements universels ou relatifs de la justice et de son caractère absolu et transcendant ou purement instrumental. La mention de la religion conduit à aller au-delà de l’aspect social et politique vers une interrogation sur le mal radical ou, à l’inverse, l’utopie d’une société sans État.
Les ressources proposées ici par Jean-Charles Royer sont des différents dispositifs issus des travaux du GFEN dont il est un contributeur actif. Elles s’enracinent dans un travail sur la vengeance et invite à une exploration qui recroise les différentes dimensions énumérées plus haut.

Une autre ressource proposée par Louis Rouillé et nombreux articles sur le site à propos de la justice.

Suite et fin.

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