Berger 1972 et Banksy 2010 : un cours en ligne sur l'art - Philosophie - Espace pédagogique académique

Berger 1972 et Banksy 2010 : un cours en ligne sur l’art

, par Louis Rouillé - Format PDF Enregistrer au format PDF

John Berger est un essayiste, romancier, poète qui gagne encore à être connu. En 1972, sur la BBC two, une série documentaire de critique d’art réalisée et présentée par John Berger a fait date. Cette série documentaire a donné lieu à une publication éponyme Ways of seeing, traduite ensuite en Voir le voir, rééditée plusieurs fois depuis.

Cette série documentaire n’est pas traduite en français et vous trouverez, dans le cours que je partage ci-dessous, deux des quatre épisodes sous-titrés par votre serviteur. L’intérêt de ces "essais télévisés" de Berger pour un cours de philosophie sur l’art me paraît particulièrement saillant.
D’abord, le premier épisode tout particulièrement est une adaptation, ou une interprétation du fameux essai de Walter Benjamin L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée, écrit en 1936. Benjamin est un auteur au programme. John Berger permet d’accéder à cet article tout à fait fondamental de Benjamin.
Ensuite, John Berger montre et commente des tableaux. Il est tout à fait clair que beaucoup d’élèves de terminale n’ont pas une connaissance de l’histoire de l’art suffisante pour apprécier les différentes thèses défendues par les philosophes de l’art. Ways of seeing permet ainsi d’introduire à l’histoire de l’art en voyant de nombreuses œuvres tout à fait classiques qui permettent de réfléchir sur la valeur de l’art.
Par ailleurs, il ne s’agit pas d’un travail de critique d’art, mais c’est bien un travail de philosophie de l’art. En particulier (et c’est l’objet principal de l’épisode trois qui est sous-titré) John Berger défend une théorie marxiste de l’histoire de l’art, suivant les traces de Benjamin, qui consiste à prendre une perspective matérialiste sur l’histoire de l’art où, naturellement, les innovations techniques contribuent à expliquer les innovations esthétiques. Marx est un auteur du programme, comme Benjamin. Et on appréciera les liens possibles entre l’art et d’autres notions, via Marx. La série de John Berger est ainsi très "années 1970", et on remarquera l’honnêteté intellectuelle de son auteur qui permettra des critiques fructueuses de sa position.
Last but not least, cette série documentaire est à l’origine d’un concept très actuel et très "brûlant" que l’on pourra exploiter ou pas dans un cours sur l’art. En effet, le deuxième épisode [1] a inspiré à la théoricienne du cinéma Laura Mulvey la théorie du "male gaze" ou "regard masculin". Ce concept est à l’origine des multiples théories féministes de l’art qui ont à leur tour fait fleurir les différentes théories décoloniales de l’art, ces dernières théories défrayant désormais régulièrement la chronique dans le monde occidental grâce à des actions militantes spectaculaires et/ou provocantes. On pourra apprécier le fait que tous les arguments (ou presque) sont déjà là en 1972, et qu’ils sont développés avec un calme qui, je crois, aidera qui veut comprendre.

On pourra trouver ci-dessous un cours en ligne à faire en autonomie, qui consiste en le visionnage des épisodes un et trois de la série documentaire de John Berger, accompagné de questions de compréhension à rendre en DM. Je peux naturellement fournir un corrigé pour qui le souhaite. Il est à destination de terminales générales, bien que je l’ai aussi donné (pour moitié) à des terminales technologiques.

La reproduction : tout un art...


Benjamin 1936 l’OA à l’époque de sa reproduction mécanisée

Le second cours est basé sur le même format : un film à voir, accompagné de questions de compréhension (de la même manière, je répondrai aux sollicitations de corrigé). Il s’agit d’un film réalisé par l’artiste de rue Banksy sorti en 2010 sous le titre français Faites le mur ! L’intérêt de ce film pour un cours sur l’art est, là aussi, assez évident.
D’abord, sur la question de la définition d’une œuvre d’art, cela permet d’ouvrir l’esprit de certains élèves sur ce qui peut tomber sous l’extension de l’expression "œuvre d’art". Naturellement, les modèles classiques de la peinture à l’huile et de la statuaire antique sont encore assez hégémoniques dans l’imagination de certains élèves. La question de la définition d’une œuvre d’art apparaissant pour ce type d’élève comme allant tout à fait de soi, et non problématique. Et, encore une fois, il faut un contact avec les œuvres pour ressentir à quel point le problème de la définition est difficile et central lorsque l’on réfléchit sur l’art. Ici, c’est par le street art que l’on peut aisément montrer que l’art n’est pas nécessairement où l’on pense qu’il est. Et finalement, montrer que l’art n’est jamais très longtemps où il est censé rester.
Ensuite, le film de Bansky est très intéressant dans la mesure où il a provoqué un débat toujours ouvert sur la question de savoir si c’est réellement le documentaire qu’il prétend être ou pas. Une simple recherche sur internet montrera les différentes positions sur cette question. Cela permet une réflexion "méta" qui engage la réflexion philosophique et la possibilité de faire des arguments.
Enfin, l’un des points centraux du film concerne la question des liens entre marché de l’art et création artistique. La conclusion de ce film n’est pas une conclusion, mais une perplexité étonnante qui, pour ma part, ne cesse pas de m’interroger. Là encore, les relations complexes entre valeur pécuniaire et valeur esthétique sont, je crois, un sujet tout à fait central de la philosophie de l’art.
J’ajoute, sur la question de la définition de l’œuvre d’art, un texte de Nelson Goodman qui, très fameusement, donne des raisons de changer la question "Qu’est-ce que l’art ?" en "Quand y a-t-il art ?". Goodman n’est pas encore dans la liste des auteurs du programme. Ma foi, j’imagine que les inspecteurs généraux ne sont pas encore infaillibles. Benjamin dirait qu’il faut apprécier la perfectibilité en toute chose, car c’est la valeur esthétique contemporaine la plus fondamentale.

Un point de dépART


Goodman 1977 Quand y a-t-il art ?

Notes

[1On le trouvera sous-titré ici. Pour une séquence pédagogique sur le male gaze, voir ici.

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