La philosophie dans le numérique (journée PAF) - Philosophie - Espace pédagogique académique

La philosophie dans le numérique (journée PAF)

, par Louis Rouillé - Format PDF Enregistrer au format PDF

Ce 15 septembre 2021, une formation du PAF intitulée "La philosophie dans le numérique" a eu lieu au lycée Camille Saint-Saëns à Rouen. Elle a réuni une grosse vingtaine de collègues. Il s’agissait d’une formation test, afin de savoir si l’idée de coupler en une journée une formation à des applications et une formation aux concepts philosophique est, ou non, une bonne idée. Le thème qui unifiait cette journée de formation était : internet.


Le matin, nous avons centré sur le nouvel ENT, et donc sur les applications susceptibles d’intéresser les profs de philo dans ce nouvel ENT.

D’abord, Aurore Lierville nous a présenté la pratique de la correction audio d’une copie. Elle a découvert cette méthode à la lecture d’un article écrit il y a quelques années par Yohann Vincent intitulé "Corriger une copie de philosophie sans écrire ?" (et publié sur le site académique ici). Si l’on voulait mettre en œuvre cette pratique de correction orale, on utiliserait l’application dictaphone du nouvel ENT.
Nous avons ensuite discuté de l’intérêt et de la pertinence de cette pratique. Sur le point crucial du temps de correction, Aurore nous a assuré que cette méthode de correction diminue le temps de correction, mais pas dramatiquement. D’autres effets positifs et négatifs ont été développés.

Ensuite, Frédéric Blondeau nous a présenté une expérience pédagogique qu’il a mis en œuvre il y a quelques années, consistant à faire contribuer une classe à l’écriture d’une page wikipédia. Il avait alors fait un compte-rendu de cette expérience relayé sur le site ici et a plus récemment publié un article de réflexion sur le site académique intitulé La participation au projet Wikipédia et ses principes. Frédéric nous a montré le mode édition du site wikipédia : on peut modifier de plusieurs manières une page wikipédia. Ironiquement, Frédéric nous a appris que la grande majorité des adresses IP des établissements scolaires en France sont interdites à la modification. En effet, vandaliser une page wikipédia (ajouter des insultes, effacer arbitrairement des bouts de page, casser la structure, etc.) est manifestement une pratique courante dans les établissements. En conséquence, le site de wikipédia bloque systématiquement les adresses IP de ces établissements pour empêcher ce genre de vandalisme. Donc, si vous voulez faire la démonstration à vos élèves en utilisant le réseau de l’établissement, tâchez de créer un compte pour modifier la page devant eux !
Adapter cette pratique à l’intérieur l’ENT n’a pas vraiment de sens, puisque cette proposition est pensée pour travailler directement sur wikipédia. En effet, montrer aux élèves que leurs modifications ont un effet sur le réel, c’est-à-dire sortent de la classe, est essentiel dans cette proposition. Cependant, on pourra penser à l’application Wiki de l’ENT d’une part pour la prise en main de l’édition d’un wiki, d’autre part comme travail préparatoire "en interne" aux modifications que l’on peut faire ensuite directement sur le site de wikipédia.

Enfin Claire Chotin a partagé avec nous un projet pas encore abouti mais très prometteur. Il s’agit de transformer un cours de philosophie de terminale (sur une notion, par exemple) en un site oueb où les élèves exploreraient eux-mêmes le contenu, dans l’ordre qui les intéresse. Il s’agirait d’adapter le modèle du "livre dont vous êtes le héros", paradigme d’une lecture non-linéaire, à l’objet "cours de philosophie". On obtient ainsi le "cours dont vous êtes le héros philosophique" qui est encore à écrire. Pour ce faire, l’élaboration de plusieurs pages reliées entre elles par des liens hypertextes est la solution technique qui s’offre naturellement à l’esprit. Dans l’ENT, l’application Pages ou encore l’application Blog pourrait en principe fonctionner à cet effet.
Cependant, la difficulté réelle consister à scénariser le cours de philo que l’on veut ainsi donner à explorer. Cette scénarisation doit comporter un point de départ, plusieurs développements possibles (avec des péripéties diverses), et des fins possibles. Naturellement, puisqu’il s’agit d’un cours de philo, les développements seront construits autour d’arguments, d’exemples, et de thèses que le cours s’est donné pour objectif de transmettre. Quant aux fins possibles, il faut là aussi imaginer : dans la discussion, le scepticisme radical (à l’occasion d’un cours sur la vérité, par exemple) est apparu comme un "game over" assez plaisant ; à un autre moment, on a envisagé l’identification d’une contradiction comme l’impasse qui obligerait l’élève à revenir sur ses pas.
Ce projet mérite naturellement d’être développé. L’horizon a semblé bon mais encore lointain, car les étapes qui y conduisent sont nombreuses.


Dans la seconde partie de la matinée, il était prévu que la DRANE fasse une rapide présentation du nouvel ENT en ciblant les applications qui pourraient nous intéresser, puis que chacun.e prenne une heure avec son ordinateur personnel afin de prendre en main l’une de ces applications. Les présentations des collègues étaient ici une source d’inspiration pour celles et ceux qui en auraient manqué. Mais les choses ne se sont pas passées ainsi.
En effet, un débat sur certains aspects de l’ENT a pris plus de place que prévu et nous avons décidé, d’un commun accord, de renoncer aux manipulations au profit d’échanges plus généraux.

Un collègue a assez vite fait part d’une question pratique toute simple : comment faire pour maîtriser le "fil d’actualité" et les nombreuses notifications dans l’ENT ? Notamment, il a explicité le fait que, pour la plupart d’entre nous, le premier contact avec l’ENT consiste en une cascade d’"humeurs" et de "devises" dont la première pensée consiste à se demander, précisément, comment faire pour l’arrêter au plus vite.
Chaque utilisateurice de l’ENT a en effet un "profil", et chacun.e peut le modifier en ajoutant (ou pas) une photo, une humeur sous la forme d’un petit dessin stylisé, et une devise qui est de fait un bloc de texte en expression libre. La visibilité de ces trois items est complexe : un prof voit les profils de tous ses collègues, de tous ses élèves, mais aussi de tous ses parents d’élèves. Les élèves voient les profils des élèves qui sont dans leurs groupes. Les parents voient les profils des parents et des élèves, mais, je crois, pas ceux des profs. Bref, il est utile d’informer très précisément de la visibilité de ces profils, afin de responsabiliser leurs auteurices.

La question de la responsabilité est devenu l’objet d’un débat assez vif, car il est apparu assez vite que l’espace "devise" est parfois devenu le lieu d’expression d’opinions haineuses qui sont interdites dans un établissement scolaire. Ainsi, un témoignage de cette rentrée 2021 : un élève avait placé dans sa "devise" une citation assez longue d’Éric Zemmour exposant la "théorie du grand remplacement" (l’origine de cette position politique vient de Renaud Camus et elle est, manifestement, devenu une idée de campagne du polémiste) ; s’en est suivi, dans l’établissement concerné, une restriction d’accès à l’ENT pour l’élève par décision du chef d’établissement, ce qui est la procédure prévue par le rectorat.
Le débat a fait apparaître des positions complexes qu’il ne s’agit pas de restituer ici. Une information importante cependant a été explicitée (et elle est très pertinente pour les conférences de l’après-midi), concernant l’origine de ces "devises". L’entreprise qui a gagné le marché publique du nouvel ENT avait placé au cœur de son "concept" (sa stratégie commerciale) l’idée (ou plutôt l’expression) de "réseau social éducatif". C’est donc la raison pour laquelle le nouvel ENT ressemble à un réseau social (profil, fil d’actualité, etc.). Il s’agit d’une ressemblance qui a provoqué bien des réactions. Comparaison n’est pas nécessairement raison, cependant et il y avait donc matière à débattre. Comparaison n’est pas nécessairement raison. L’ENT est certes un outil qui ressemble à des réseaux sociaux commerciaux, cependant la finalité et les modalités sont différentes : en particulier, on pourra noter que ce nouvel ENT est soumis à la RGPD (et d’autres restrictions légales et techniques), ce qui, de fait, le rend très différent des réseaux sociaux commerciaux dont le modèle économique est thématisé dans la conférence d’Hervé Le Crosnier, notamment. [1]
Assez rapidement dans le débat ainsi ouvert, certain.es collègues ont exprimé du scepticisme, d’autre une nette hostilité vis-à-vis de ce nouvel ENT qui ressemble volontairement à un réseau social. La question sous-jacente étant de savoir si cette ressemblance volontaire est une ressemblance substantielle. Étant donnée, notamment, l’éclairage d’Hervé Le Crosnier sur ce point, un champ de réflexion s’impose : quel parti peut-on tirer, dans un cadre éducatif et pédagogique, d’un outil au fonctionnement en partie similaire à celui des médias sociaux commerciaux mais radicalement différent dans ses finalités et dans la capacité d’action donnée aux enseignants et aux chefs d’établissement ?


L’après midi s’est déroulé sur un mode plus classique d’une série de deux conférences : une petite et une grande. Ci-dessous, vous trouverez les enregistrements audio de ces deux conférences accompagnés des diapositives utilisés par les orateurs. La qualité des fichiers audio n’est pas formidable (spécialement pour ce qui concerne la période des questions) mais, accompagné des diapositives, cela devrait suffire à la bonne compréhension du propos.

Le premier exposé a été donné par Louis Rouillé, TZR en Seine maritime et l’expérience pédagogique dont il part date de l’an dernier au lycée Blaise Pascal à Rouen avec deux classes de terminale générale.

Diapositives Louis Rouillé — "Internet : un réseau fondamental pour des libertés fondamentales"

 

Le second exposé a été donné par Hervé Le Crosnier.

Diapositives Hervé le Crosnier — "Culture numérique"

Fichiers vidéos à télécharger
À noter :
  • Les diapositives d’Hervé Le Crosnier contiennent de nombreuses vidéos qui ne se lisent pas dans le document pdf attaché. Les fichiers vidéos sont contenus dans le dossier zip à télécharger sous la présentation. [2]
  • Hervé Le Crosnier dirige la maison C&F éditions qui publie des livres sur la culture numérique. On y trouvera de nombreuses références intéressantes pour des profs. En particulier :
    • Aux sources de l’utopie numérique de Fred Turner : recommandé pour des Terminales.
    • C’est compliqué de danah boyd et Twitter et les gaz lacrymogènes de Zeynep Tufekci pour des classiques de la sociologie de la culture numérique.
    • La collection "Les enfants du numérique" qui devrait se trouver dans tous les CDI de France et de Navarre.
  • Hervé Le Crosnier, dans son exposé, a plus développé le "côté sombre" que le "côté soleil". Si vous voulez du soleil, vous pourrez visionner le documentaire de Philippe Borrel diffusé par la chaîne ARTE intitulé La bataille du libre, où vous reconnaîtrez Hervé Le Crosnier comme participant.

P.-S.

Pour une prochaine formation, le matin pourrait être consacré à la formation à des logiciels de lecture et de modification de documents pdf, notamment en vue de discuter de la correction de copies numériques. L’après-midi serait consacré à la philosophie du logiciel libre.
Toutes les remarques ou requêtes en vue de la préparation d’une seconde journée sont les bienvenues.

Notes

[1Merci à Michel Mugnier pour sa vigilance sur ce point.

[2Dans ce dossier compressé, vous trouverez des fichiers mp4 (vidéo) et des fichiers gif (images animées). Chaque fichier a un titre qui commence par un numéro. Ce numéro indique la page de la présentation pdf dans laquelle il est joué.

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