Infernet, une websérie de Pacôme Thiellement - Philosophie - Espace pédagogique académique

Infernet, une websérie de Pacôme Thiellement

, par Frédéric Blondeau - Format PDF Enregistrer au format PDF

Infernet est une websérie créée par Pacôme Thiellement, un essayiste et vidéaste selon sa page Wikipédia. Il a publié plus de vingt livres, consacrés pour la plupart à l’analyse politique et esthétique du monde contemporain. Il s’intéresse à la culture pop et d’avant-garde, par exemple au réalisateur David Lynch [1].

La websérie Infernet a été produite et réalisée par le média d’information et de critique politique Blast. Elle comporte 12 épisodes sur YouTube ainsi qu’un épilogue sortis entre fin 2021 et 2023. Pacôme Thiellement parle face caméra, d’une voix plutôt monocorde, de sujets directement issus du monde d’Internet. Ses analyses ont pour objectif de pointer les dérives et les « perversions » créées ou amplifiées par le capitalisme au stade numérique. Le montage utilise un grand nombre d’extraits qui rendent le visionnage captivant. Les vidéos durent 25-30 minutes en moyenne, excepté le dernier épisode (12) qui dure presque 50 minutes et qui est probablement le plus intéressant. Il sera donc préférable de travailler avec des extraits choisis.

Photo de l'écran d'un téléphone portable avec les logos des applis de réseaux sociaux
(Pixabay)

L’épisode 12 est intitulé « Comment Facebook et Zuckerberg ont détruit l’humanité (ou presque) ». Derrière ce titre provocateur, il y a une analyse de la vie et de l’œuvre de Mark Zuckerberg, le créateur du réseau social Facebook. Thiellement se sert également du film The Social Network (2010) de David Fincher, qui raconte le procès fait à Zuckerberg par ses anciens collaborateurs qu’il avait escroqués. Thiellement soutient que l’utilisation d’un réseau social, et plus généralement d’un média et d’une technique, n’est jamais neutre, mais que cette utilisation transforme notre comportement et notre façon de penser et d’envisager autrui. Il explique notamment en quoi Facebook a gravement nui à l’amitié, en poussant les individus à la compétition pour les vues et les likes, en supprimant la vie privée et en incitant les gens à manifester leur haine les uns envers les autres.

Je me suis servi de cet épisode 12 d’Infernet pour faire une séance d’E.M.C. [2] sur les rapports entre réseaux sociaux et démocratie. J’ai montré trois extraits aux élèves en leur donnant un tableau pour qu’ils puissent écrire les informations importantes à retenir selon eux. Ces informations et les extraits vidéo ont permis aux élèves d’élaborer une réflexion critique sur cet usage du numérique qu’est la publication sur les réseaux sociaux. Les retours ont été positifs, les élèves ont trouvé l’épisode instructif.

Tableau d’analyse de la vidéo
Fiche à remplir pour retenir des informations à partir d’extraits de l’épisode 12 d’Infernet, consacré à Facebook.

Dans Infernet, Thiellement met particulièrement l’accent sur les dommages psychologiques et physiques causés par certaines pratiques en ligne, par exemple dans l’épisode 4 consacré au « mukbang ». C’est une pratique originaire de Corée du Sud qui consiste à se filmer en train de manger. Mais dans sa version américaine, elle devient chez certains youtubeurs une pratique dangereuse et toujours plus extrême, afin de maximiser le nombre de vues. Thiellement s’appuie sur le cas de Nikocado Avocado, passé de militant pour le veganisme et les produits sains à personnalité qui mange le plus et le plus mal possible, mettant en danger sa propre vie.

Main robotique bleue sur fond bleu clair
(ThisIsEngineering/Pexels)

Thiellement a aussi travaillé sur un sujet à la mode, l’intelligence artificielle. L’épisode 8 est consacré à Tay, l’IA de Microsoft « devenue nazie en 24h sur Twitter ». Le vidéaste décortique le processus qui a conduit le bot (robot virtuel) Tay à publier des textes faisant l’apologie de Hitler et du racisme. Cette IA devait initialement simuler un personnage d’adolescente sympathique sur le réseau social Twitter. Mais certains internautes l’ont « entraînée » en direct à répéter des phrases choquantes et illégales. Microsoft a dû désactiver son IA en moins d’un jour à cause du fiasco généré.

On pourrait reprocher à Thiellement d’adopter une perspective technophobe, rejoignant le cortège des détracteurs des écrans. Mais Thiellement précise bien qu’il critique un usage précis du numérique, lié à la capitalisation de l’argent et de l’attention, et non le numérique en général. Dans l’épisode 12, il dit bien que l’ordinateur et surtout Internet sont de formidables inventions, et qu’Internet a permis une démocratisation sans précédent de la culture et des connaissances. Le problème selon lui est que les potentialités positives de l’informatique sont détournées et perverties par des personnes qui nuisent à l’humanité en exacerbant des pratiques dangereuses pour la psyché des créateurs de contenu et des spectateurs. En d’autres termes, pour Thiellement les médias comme Facebook ou YouTube ont tendance à alimenter les pulsions (auto-)destructrices des individus plutôt que de leur apporter bien-être et savoir. C’est dans cette optique que Thiellement cite la phrase de Walter Benjamin, tirée du dernier paragraphe de L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique [3] :

[L’humanité] s’est suffisamment aliénée à elle-même pour être capable de vivre sa propre destruction comme une jouissance esthétique de tout premier ordre.

Notes

[1Pâcome Thiellement, La Main gauche de David Lynch, Paris, P.U.F., 2010.

[2Enseignement moral et civique.

[3Walter Benjamin, L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Paris, Gallimard, 2008, p. 53, traduction Maurice de Gandillac et Rainer Rochlitz.

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